Les idées clés
Parmi les examens proposés pour apprécier la fertilité d’une femme, il y en a un qui divise, tant il doit être pris avec d’énormes pincettes : c’est le dosage de l’AMH. En effet, cet examen permet de se faire une idée du nombre de follicules qu’il nous reste en stock, mais (car oui, il y a un mais) il ne permet pas de « déterminer l’âge de ses ovaires », de connaître la date de sa ménopause ou encore d’augurer de nos chances de grossesse à venir !
L’AMH mesure la quantité de follicules en dormance, à un stade intermédiaire de développement, mais pas leur qualité et ne dit rien sur notre capacité à ovuler normalement : on peut en effet avoir beaucoup de follicules, mais des troubles de l’ovulation, ou des ovules de moindre qualité qui ne permettront pas de mener une grossesse à terme. Et a contrario, on peut avoir un taux d’AMH faible, signifiant qu’un petit nombre de follicules se sont lancés dans la “pré-course” à l’ovulation sur ce cycle, mais qu’ils soient de super qualité et qu’ils permettent d’avoir un ovule mature parfait au bout de la course.
Intriguées ? On vous explique tout ça 😉
L'article, en bref
ToggleQu’est-ce que l’AMH ?
L’AMH est l’hormone antimüllérienne, largement considérée comme un miroir de la réserve ovarienne, très souvent testée chez les femmes en désir d’enfant et/ou en parcours de procréation médicalement assistée (PMA). Elle permet effectivement d’en savoir un peu plus sur le stock d’ovocytes d’une femme, mais en termes de quantité uniquement (on va y revenir ;)) !
Fun fact : l’AMH est présente dés le début de la vie, chez la femme comme chez l’homme ! En effet, l’hormone anti-müllérienne joue un rôle important dans la différenciation sexuelle du futur bébé :
Chez le garçon, elle est sécrétée par les cellules de Sertoli présentes dans les testicules, à partir de la 8ème semaine de grossesse. Son rôle principal est de provoquer la régression des canaux de Müller, qui sont les structures embryonnaires à l’origine de l’utérus, des trompes et de la partie supérieure du vagin. En gros, l’AMH empêche le développement de l’appareil reproducteur féminin chez le petit garçon. La sécrétion d’AMH chez l’homme est principalement active pendant la période fœtale, l’enfance et jusqu’à la puberté.
Chez la fille, en l’absence d’AMH, les canaux de Müller se développent normalement pour former l’appareil reproducteur féminin : utérus, trompes utérines et ovaires !
L’AMH, un indicateur de notre réserve ovarienne
Elle est sécrétée par le pool de follicules qui sortent de leur état de dormance
Pourquoi dit-on si souvent que l’AMH est le reflet de notre stock d’ovocytes ?
Contrairement aux hommes qui produisent des spermatozoïdes quasiment toute leur vie, une femme naît avec son stock d’ovocytes et n’en créé pas de nouveaux au cours de sa vie.
Après la naissance, l’AMH est sécrétée par les cellules de la granulosa des follicules ovariens (un espèce de collier de cellules qui entourent les follicules). Plus précisément, ce sont les follicules primaires et pré-antraux qui produisent de l’AMH.
Ces follicules sont les follicules qui attendent leur tour pour éventuellement faire partie du prochain « lot » d’ovocytes qui tenteront d’ovuler au prochain cycle menstruel, dans l’espoir d’être fécondés. Ils sont dans la file d’attente ! Ils se sont réveillés de leur état de dormance total (follicules primordiaux) et commencent à sécréter de l’AMH quand ils passent au stade de follicules primaires. Quand ils sont au stade secondaire (ou pré-antral) 3-4 mois avant l’ovulation, ils secrètent un max d’AMH !
L’AMH est donc l’hormone qui régule le passage du stade pré-antral au stade antral, qui marque l’entrée dans la course à l’ovulation. C’est un peu le videur qui autorise quelques « happy few » à entrer dans le carré VIP, en demandant aux autres d’attendre leur tour ! Elle s’assure que la réserve ovarienne ne s’amenuise pas trop vite et bloque, ou plutôt, régule le process de maturation des follicules. Quand les follicules ne sécrètent plus d’AMH, ils sont prêts à être stimulés par la FSH pour maturer et peuvent se lancer dans la course à l’ovulation.
Comme tout ceci est un peu technique, petit récap !
Follicules primordiaux : ils sont présents dès la naissance dans les ovaires de la petite fille, et ne sécrètent pas d’AMH car ils n’ont pas encore de granulosa. Ils sont comme en état d’hibernation. Ce sont eux qui représentent le stock total de la réserve ovarienne.
Follicules primaires : ils se parent de cellules de la granulosa, se réveillent doucement et commencent à sécréter de l’AMH. Il s’agit donc seulement d’une sélection de la réserve totale, celle qui se préparent tranquillement pour, éventuellement, tenter de gagner le marathon de l’ovulation.
Follicules pré-antraux (secondaires) : ce sont eux qui sécrètent le plus d’AMH, 3-4 mois avant l’ovulation.
Follicules antraux (tertiaires) : ce sont les follicules qui se lancent vraiment dans la course à l’ovulation, ils ne sont plus qu’une grosse dizaine, et ils ne sécrètent plus d’AMH (mais ce sont eux que l’on compte à l’échographie lors du comptage folliculaire en début de cycle, en revanche !).
Par la suite, l’un des follicules prend le lead (on l’appelle le follicule de De Graaf) et c’est lui qui expulsera son ovocyte. Il deviendra ensuite le corps jaune, avant de se désagréger s’il n’y a pas de grossesse.
Bref l’AMH, c’est le marqueur d’une partie de la réserve ovarienne, celle qui s’est réveillée pour, 3 ou 4 mois plus tard, tenter de gagner la course à l’ovulation pour un cycle donné.
Quel est le taux normal d’AMH pour tomber enceinte ?
On vous le disait plus haut, le taux d’AMH est très souvent observé chez les femmes qui souhaitent concevoir, afin d’avoir un état des lieux de leur réserve ovarienne. Voici les fourchettes données par les labos, qui servent de référence :
Un taux normal d’AMH chez la femme se situe généralement entre 2,45 et 5,95 ng/ml au 3ème ou 4ème jour du cycle.
Un taux d’AMH inférieur à 0,75 ng/ml peut indiquer une potentielle mauvaise réponse à la simple stimulation ovarienne. On peut alors passer en PMA, voire par le don d’ovocytes.
Mais un taux supérieur à 6-7 ng/ml peut également être associé à des difficultés de conception (comme dans le cas du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK)).
Attention de bien vérifier l’unité quand vous lisez votre taux d’AMH, car ce n’est pas toujours la même (il existe des convertisseurs en ligne pour info). Et surtout de regarder le tableau de l’âge, car l’AMH diminue avec l’âge (c’est logique !!) et une AMH à 1 ne veut pas dire la même chose à 20 ans ou à 40 ans.
L’AMH ainsi dosée permet donc d’évaluer partiellement la quantité de follicules qui sont encore en stock. MAIS, il est très important de comprendre (et c’est un peu tout l’objectif de cet article) qu’un taux jugé trop bas par les fourchettes du laboratoire ne présage en rien de votre fertilité future : la QUALITÉ de vos follicules compte davantage que leur quantité 😉
L’AMH n’est pas le reflet de la qualité ovocytaire et encore moins de la fertilité future !
On s’explique : l’AMH ne mesure que la quantité d’ovocytes qui peuvent potentiellement ovuler, sur un cycle donné, mais ça ne veut pas dire que ces ovules sont de qualité, ni que cette quantité sera la même sur le cycle suivant ! De la même manière, on peut avoir peu d’ovocytes, mais ce qui compte, c’est qu’on ovule bien et que ces ovules soient de qualité. Tant qu’il y a des ovules, si peu nombreux soient-ils, il y a de l’espoir !
Les études le montrent bien : « la réserve ovarienne ne reflète pas la qualité ovocytaire » et plusieurs études ont montré qu’il n’y avait pas de lien entre le taux d’AMH et le délai avant de tomber enceinte. Ils ont même enfoncé le clou en concluant que « l’AMH n’a aucune valeur prédictive« .
Par ailleurs, une AMH basse n’est pas synonyme d’une insuffisance ovarienne précoce (IOP) : en cas d’IOP, les ovulations sont rares et généralement, la FSH est haute et les oestrogènes sont bas (ce sont les hormones qui préparent les ovaires et les follicules à l’ovulation, la FSH étant au max pour sur-stimuler les ovaires, qui ne réagissent pas), et les follicules en lice sont peu nombreux à l’échographie.
L’AMH analysée seule ne veut rien dire du tout !
Comme expliqué précédemment, hormis le stock de follicules en attente, il faut surtout se pencher sur l’ovulation : est-ce qu’elle a bien lieu, de manière régulière ? En effet, on peut avoir une AMH basse, mais une FSH et des oestrogènes normaux, ce qui démontre que l’ovulation se déroule normalement !
Pour avoir une meilleure vision de la réserve ovarienne, il faut donc prendre en compte l’AMH, mais aussi :
La FSH, qui montre que le cerveau enclenche le processus d’ovulation
Les oestrogènes, qui prouvent que les ovaires répondent à la stimulation de la FSH
Le comptage des follicules antraux (les follicules présents sur la ligne de départ au début du cycle)
L’observation des cycles menstruels, avec la glaire cervicale + la température, qui sont les bio-marqueurs de l’ovulation.
Il est donc important de corréler son taux d’AMH avec ces paramètres complémentaires pour s’assurer qu’on ovule bien. C’est le plus important !
Non, l’AMH n’est pas condamnée à chuter
On dit souvent que la réserve ovarienne ne fait que baisser avec l’âge, et c’est vrai : le nombre de follicules primordiaux ne peut pas remonter, puisque le corps de la femme ne sait pas en créer, elle nait avec son stock de base.
En revanche, on peut améliorer le processus de maturation et leur permettre de passer plus facilement aux stades primaire, secondaire et antral. Par ailleurs, si on ne peut pas jouer sur la quantité de follicules, on peut en revanche jouer sur leur qualité et, plus ils sont nombreux à sortir de leur hibernation, plus ils sécrètent d’AMH !
Parmi les éléments qui ont un impact sur ce processus, la vitamine D, les antioxydants et les omégas 3 auraient un rôle à jouer, ainsi qu’une bonne hygiène de vie ! Si ce point vous intéresse, on le creuse à fond dans le cadre du Fertility Club 🙂
Dans quels cas le dosage de l’AMH est utile ?
Il y a tout de même des cas où le dosage de l’hormone anti müllerienne a un intérêt 🙂
En cas de FIV
Dans ce cas, le taux d’AMH permet de prévoir la réponse de la stimulation ovarienne dans le cadre de la FIV (fécondation in vitro). En effet, en FIV, on stimule les ovocytes, qui sont ensuite prélevés, mis en contact avec des spermatozoïdes et les embryons sont ensuite implantés dans l’utérus de la future maman.
Ainsi, pour maximiser les chances de réussite, on veut le plus d’ovocytes possibles ! Si l’AMH est basse, les chances sont plus faibles. Connaître la quantité d’AMH permet aussi d’adapter le dosage de la stimulation, afin d’éviter une sur-stimulation.
En revanche, la quantité d’AMH n’a pas d’impact si le protocole consiste en une stimulation simple ou une insémination.
Suspicion de SOPK
Il arrive souvent que l’AMH soit haute en cas de SOPK, car les follicules sont bloqués au stade secondaire, sans passer au stade antral. Ils ont donc toujours leur granulosa et sécrètent de l’AMH, ce qui les rend insensibles à la FSH et ils ne peuvent pas ovuler.
Des recherches récentes ont montré que l‘AMH peut stimuler la sécrétion de l’hormone de libération des gonadotrophines (GnRH) au niveau cérébral, augmentant ainsi la production de LH, ce qui contribue à l’hyperandrogénie caractéristique du SOPK et au fait que l’ovulation soit aussi bloquée. En effet, la LH est l’hormone qui déclenche l’ovulation : normalement, elle est basse en début de cycle, puis est sécrétée en masse et c’est ce pic qui permet au follicule de libérer son ovule. Souvent, en cas de SOPK, la LH est constamment élevée mais ne fait jamais ce pic qui est clé pour l’ovulation.
Toutefois, là encore, s’il n’ y a pas de troubles de l’ovulation, il n’y a pas de stress à avoir !
Infertilité masculine
Dans certains contextes de recherche, l’AMH peut être dosée pour étudier son rôle dans la spermatogenèse. Des études ont en effet montré une corrélation entre le taux d’AMH dans le liquide séminal et le nombre de spermatozoïdes, car un lien existerait entre AMH et testostérone. Les recherches sont toujours en cours pour déterminer la nature et les mécanismes physiologiques de ce lien, et hors recherches médicales, le spermogramme reste l’examen de référence en termes de fertilité masculine 🙂
Quand faire doser l’AMH ?
L’analyse de l’AMH par prise de sang peut être réalisée n’importe quel jour du cycle menstruel, mais vous pouvez mutualiser avec le contrôle d’autres hormones, comme la FSH et les oestrogènes, qui se mesurent entre le 3e et le 5e jour du cycle (c’est-à-dire entre le 3e et le 5e jour de vos règles)
Le dosage de l’AMH est remboursé sur prescription médicale, mais vous pouvez aussi réaliser l’examen de votre propre chef : il faudra, dans ce cas, régler la prise de sang.
Vous l’aurez compris, si l’AMH est un marqueur de la réserve ovarienne, un dosage jugé trop bas ne veut pas forcément dire que vous êtes infertile ! L’AMH ne se concentre que sur la quantité de follicules en stock et non sur leur qualité, qui est primordiale. Beaucoup de jeunes mères seraient surprises de voir quel était leur taux d’AMH avant leur grossesse, si elles la dosaient après avoir accouché ! En effet, on peut concevoir tout à fait normalement avec une AMH basse, tant que d’autres hormones féminines (la FSH et les oestrogènes notamment) sont OK et qu’on ovule bien 🙂
Il y a d’ailleurs des choses que l’on peut faire pour soigner son ovulation, la qualité de ses ovules et même pour remonter cette AMH (que l’on décortique avec vous dans le cadre du Fertility Club !)
Qu’en pensez-vous ? Connaissiez-vous ces subtilités concernant l’AMH ? Si vous avez des remarques ou des questions, n’hésitez pas à les glisser en commentaire ci-dessous 🙂
Les sources complémentaires
2 réflexions au sujet de “AMH : tout comprendre sur cette hormone et ce qu’elle dit réellement de notre fertilité”
Après chimio ? Combien de temps les hormones peuvent être mettre pour sortir de la ménopause chimio induite ?
Bonjour Fanny ! Il est très délicat de te répondre, car je pense que cela dépend des femmes et du protocole :s En tout cas, si toi ou l’une de tes proches passez par cette épreuve, je t’envoie toute ma tendresse <3 Très bonne journée !