Les idées clés
On dit parfois qu’après une grossesse, on a toujours un peu l’impression de porter notre enfant en nous, de le ressentir dans nos tripes et ce, bien après sa naissance (et même jusqu’à la fin de notre vie !). Et si ce ressenti, qui peut parfois paraître un peu naïf (voire complètement perché) avait un véritable fondement scientifique ?
Est-ce que ce qu’on appelle le transgénérationnel, ou le fait que nos grossesses ont laissé une empreinte en nous, peut s’expliquer de manière biologique, tout à fait concrète et cartésienne ? A ces deux questions, on peut vous répondre oui !
En effet, les scientifiques ont démontré qu’un bébé laissait toujours une trace de son passage dans le corps de sa mère, et venait même altérer le fonctionnement de son organisme et ce, dans un but bien précis : assurer sa survie ! Ce phénomène (absolument incroyable et passionnant) s’appelle le microchimérisme foetal et sera donc le sujet de cet article 🙂
L'article, en bref
ToggleQu’est-ce que le microchimérisme fœtal ?
Le microchimérisme est un phénomène scientifique bien connu, qui désigne les échanges de cellules d’un individu à l’autre, comme cela peut être le cas dans le cadre d’une greffe d’organe ou d’une transfusion sanguine, par exemple. En effet, la chimère, dans la mythologie grecque, est une créature à la fois lion, chèvre et dragon : on retrouve bien ce mix d’entités différentes !
Le microchimérisme foetal, quant à lui, caractérise un type de microchimérisme bien particulier, celui entre un bébé (embryon, puis fœtus) et sa maman. En effet, des cellules fœtales, donc provenant de l’enfant, sont retrouvées dans le sang, les tissus et les organes de la mère (foie, cerveau, coeur, thyroïde, seins etc.). Incroyable, non ?
Ces cellules passent par la moelle osseuse et le thymus de la maman : le thymus est l’un des principaux centres immunitaires, qui a pour rôle de reconnaître et d’identifier les cellules étrangères, afin d’identifier celles qui sont bénéfiques et celles qui nécessitent de faire réagir le système immunitaire pour les éliminer. Le passage des cellules du bébé dans le système immunitaire de la mère leur permet d’être reconnues et tolérées, alors que leur matériel génétique est à 50% étranger au corps de la mère (puisque l’embryon est aussi constitué, à 50%, du patrimoine génétique du père).
Un échange bi-directionnel, entre la mère et l’embryon
On le sait, le bébé reçoit des éléments génétiques et nutritifs de la part de sa maman, via le cordon ombilical et le placenta. Toutefois, dans le cadre du microchimérisme fœtal, le bébé laisse aussi des traces de son passage dès les premières semaines de gestation.
L’échange est donc bi-directionnel, même si, a priori, la transmission de cellules fœtales serait plus importante que celle de cellules maternelles 🙂
Des échanges entre frères et soeurs
Une femme garde en elle une trace de toutes ses grossesses passées : ainsi, il est possible qu’un bébé reçoive des cellules de son grand frère ou de sa grande soeur, voire de son jumeau 🙂
Il est important de préciser qu’un embryon ou un fœtus laisse des cellules derrière lui, que la grossesse soit menée à terme ou interrompue par un arrêt de grossesse précoce ou une interruption de grossesse médicale ou volontaire. Ainsi, certaines mères et enfants peuvent porter l’empreinte d’un « jumeau évanescent », voire d’une tante ou d’un oncle qui est mort in-utéro, par exemple (c’est juste incroyable).
Un lien mère-enfant qui dure longtemps
Et pour continuer sur le côté fascinant du microchimérisme foetal, des cellules masculines ont été détectées dans le corps des mamans bien après leur grossesse (jusqu’à 27 ans plus tard !), même chez celles qui n’ont donné naissance qu’à des filles, mais qui ont, à un moment donné de leur vie, porté un embryon mâle.
Et encore plus fou, on retrouve parfois aussi, dans le corps des nouveaux nés, des cellules de leur grand-mère ! En effet, pendant la grossesse, des cellules de la mère (futurs grands-parents) migrent naturellement vers le fœtus ; après la naissance, ces cellules maternelles peuvent rester dans le corps de l’enfant et persister pendant des décennies. Par exemple, une femme enceinte de sa fille pourrait transférer certaines de ses propres cellules à son bébé (qui contiendra alors des cellules de sa mère et éventuellement de sa grand-mère).
Quels sont les effets du microchimérisme fœtal sur la mère ?
Une fois que les scientifiques ont découvert ce phénomène, ils ont investigué sur leurs potentielles conséquences, bénéfiques ou négatives, de ce transfert de cellules microchimériques vers la maman. Voici ce que disent les recherches à ce sujet, en sachant qu’elles en sont à leurs débuts !
Réparation des tissus maternels
D’après les études, il semblerait que le microchimérisme foetal aide à la réparation des cellules de la peau et des plaies : en effet, on a retrouvé des cellules foetales dans les tissus cicatriciels de la césarienne ! Pour ce faire, elles se transforment en cellules souches : les cellules souches sont des cellules à leur premier stade de développement qui ne se sont pas encore spécialisées (ou différenciées) et qui peuvent donc devenir des cellules de n’importe quel organe ou tissu du corps humain.
Ainsi, les cellules foetales auraient cette capacité (assez folle !) de devenir des cellules souches et de se transformer en cellules de la peau ou du tissu endommagé pour le reconstruire, par exemple 🙂 C’est ainsi que les cellules foetales pourraient aider à la cicatrisation de l’utérus après l’accouchement.
Ces cellules foetales peuvent aussi muer en cellules endothéliales (des cellules qui tapissent les vaisseaux sanguins et lymphatiques, constituant une barrière protectrice entre le sang et les tissus environnants, comme une sorte de filtre), en cellules du coeur, du foie, des poumons, des reins ou du cerveau 🙂
Cette aide à la reconstruction et à la guérison ne serait pas complètement désintéressée : en effet, pour assurer sa survie, le bébé a besoin que sa maman soit en bonne santé pendant la grossesse, mais aussi après !
Activation de la lactation
Durant la grossesse, les glandes mammaires se transforment profondément pour se préparer à l’allaitement. Sous l’effet des hormones comme les œstrogènes, la progestérone et la prolactine :
La taille du tissu mammaire augmente
Les alvéoles (structures responsables de la production de lait) se développent
Les cellules épithéliales des glandes mammaires se préparent à synthétiser le lait.
Mais des études récentes suggèrent que ces changements ne sont pas dus uniquement aux hormones : les cellules fœtales qui migrent vers les seins jouent également un rôle actif dans cette transformation. En effet, ces dernières pourraient se différencier en :
Cellules épithéliales lactogènes : responsables de la synthèse et de la sécrétion du lait.
Cellules immunitaires spécialisées : qui soutiennent l’environnement mammaire et protègent le lait produit contre les infections.
Elles peuvent aussi booster la vascularisation dans les seins, essentielle pour l’apport de nutriments nécessaires à la production de lait.
Pourquoi le bébé fait tout ça ? Il s’assure en fait d’avoir suffisamment à manger une fois qu’il sera né ! En effet, le lait maternel est sa première et sa meilleure source de nutrition, car il contient des éléments cruciaux (anticorps, enzymes, graisses) qui favorisent son développement.
Transfert de chaleur
Un embryon, pour se développer, a besoin d’être bien au chaud : en effet, une température corporelle légèrement élevée est idéale pour l’activité enzymatique nécessaire à la division cellulaire rapide et à l’implantation. Par ailleurs, tout refroidissement important ou variation pourrait ralentir son développement ou même compromettre sa survie.
Pour ce faire, les cellules microchimériques influencent aussi le fonctionnement de la thyroïde : cette glande régule beaucoup des métabolismes du corps, tels que la température corporelle, via les hormones thyroïdiennes (T3 et T4), qui stimulent la consommation d’énergie et la thermogénèse. Chose incroyable, les cellules microchimériques peuvent interagir avec les cellules thyroïdiennes maternelles, augmentant la production de T3/T4 pour soutenir un métabolisme plus élevé !
Le bébé peut aussi compter sur la progestérone, qui augmente notre température après l’ovulation ! Cette « gardienne du temple » s’assure qu’un ovule fécondé puisse se développer correctement, un peu comme dans un couveuse ou un incubateur 🙂
L’embryon ne laisse donc rien au hasard : il s’assure que sa « maison » (l’utérus) reste bien chauffée grâce à une double stratégie hormonale (progestérone et thyroïde) !
Attachement avec le bébé
Les recherches ont aussi démontré que les cellules du bébé pouvaient migrer dans les cellules cérébrales de la maman, probablement pour favoriser la sécrétion d’ocytocine.
L’ocytocine, qu’on surnomme aussi « l’hormone de l’amour » est hyper importante pour déclencher l’accouchement, stimuler l’allaitement et créer un attachement profond entre la maman et son bébé. Et si le bébé fait en sorte de booster cette ocytocine, c’est encore dans un but de préservation archaïque : il a en effet besoin que sa mère soit attachée à lui, car il dépend totalement d’elle pour se nourrir, se protéger et recevoir des soins !
En favorisant la production d’ocytocine et en modulant des zones cérébrales spécifiques, les microchimères renforcent l’instinct maternel et l’attachement émotionnel, garantissant que le lien entre mère et enfant est non seulement puissant, mais aussi durable 🙂
Potentielle implication dans les maladies auto immunes et certains cancers
microchimérisme fœtal et maladies auto immunes
Les chiffres sont clairs : 4 personnes sur 5 souffrant d’une maladie auto immune sont des femmes. Les médecins ont donc cherché à comprendre pourquoi les femmes étaient plus à même d’avoir ce type de pathologies, et si les cellules foetales auraient un rôle à jouer dans ce phénomène.
D’anciennes études ont en effet montré un lien entre la présence de cellules fœtales et la prévalence de certaines maladies auto immunes (la sclérodermie, le lupus ou l’arthrite rhumatoïde par exemple). Certaines théories voudraient que ces cellules fœtales soient finalement mal reconnues par le système immunitaire, qui déclencherait leur destruction. Et, comme on l’a vu, certaines cellules fœtales restent très longtemps dans le corps de la mère, pouvant provoquer des maladies auto-immunes chroniques. D’autres théories estiment que la qualité des cellules fœtales peut être mauvaise, causant, là encore, une réponse du système immunitaire de la mère pour les détruire.
Cependant, ce point de vue est largement débattu par la communauté scientifique, car la présence de cellules fœtales sur le lieu d’une inflammation ne veut pas forcément dire qu’elles l’ont déclenchée (elles pourraient justement se diriger vers les tissus endommagés pour les protéger), et les maladies auto immunes peuvent être causées par bien d’autres facteurs.
Microchimérisme foetal et cancers
Sur ce point de la cancérologie, les études sont très partagées ! En effet, certaines études explorent comment le microchimérisme fœtal pourrait jouer un rôle dans l’immunosurveillance, c’est-à-dire la capacité du système immunitaire à détecter et éliminer les cellules anormales, y compris les cellules cancéreuses. En théorie, cette immunosurveillance pourrait avoir un effet protecteur contre certains cancers, y compris potentiellement le cancer du sein et de l’ovaire, en renforçant la capacité de l’organisme à identifier les cellules tumorales naissantes.
En revanche, concernant le cancer du sein, d’autres études montrent le contraire :s En effet, certains chercheurs ont suggéré que la présence de cellules fœtales pourrait théoriquement influencer le développement de certains cancers, en particulier le cancer du sein, en raison de leur capacité à persister dans le corps maternel et à participer à des réponses inflammatoires ou immunitaires. Cependant, la majorité des études n’a pas conclu à une augmentation du risque de cancer du sein, et certaines recherches ont même observé un potentiel effet protecteur.
Vous l’aurez compris, les effets du microchimérisme foetal sur la santé de la maman sont a priori grandement bénéfiques, puisque le bébé à naître à besoin que sa mère aille bien (même en post-partum), mais les études sont encore en cours sur ses potentiels effets néfastes.
Microchimérisme fœtal et perspectives médicales
Au vu de tout ce que l’on vient de voir et de la capacité des cellules foetales à se transformer en cellules souches, elles intéressent de très près la recherche scientifique !
Ces cellules sont donc pluripotentes, capables de se différencier en de multiples types cellulaires (cellules de peau, du foie, du cerveau, etc.), ce qui ouvre des perspectives incroyables en médecine régénérative et pourrait inspirer des traitements pour des blessures complexes ou des maladies cutanées sévères, par exemple.
Le microchimérisme foetal pourrait aussi faire avant les recherches contre le cancer : les propriétés des cellules fœtales, notamment leur plasticité et leur capacité à migrer vers les tissus endommagés, en font des candidates idéales pour la recherche sur les thérapies anticancéreuses. Des essais sont d’ailleurs en cours pour explorer leur utilisation dans des traitements qui ciblent directement les tumeurs !
Du côté des maladies dégénératives, des recherches récentes montrent que les cellules fœtales peuvent exercer des effets positifs dans notre cerveau :
Réparation neuronale : ces cellules microchimériques se différencient parfois en cellules cérébrales (neurones ou cellules gliales), ouvrant ainsi la voie à des traitements pour les maladies neurodégénératives.
Réduction de l’inflammation cérébrale : certaines études ont montré que les cellules fœtales pourraient contribuer à diminuer l’inflammation dans le cerveau, un facteur clé dans de nombreuses pathologies neurodégénératives.
Ces propriétés sont à l’étude pour développer des thérapies basées sur l’injection ou la stimulation de cellules microchimériques afin de ralentir la progression de ces maladies, voire de restaurer les fonctions cérébrales altérées.
Voici tout ce qu’on pouvait vous dire sur le microchimérisme foetal, ce fascinant échange de cellules entre un bébé et sa maman, voire entre un fœtus avec les autres enfants qui l’ont précédé ou qui le suivront ! Honnêtement, c’est assez magique de se dire que d’une certaine manière, on porte nos enfants durant toute notre vie 🙂
Ce transfert de cellules a une véritable raison d’être, très pratico-pratique : assurer la survie de la mère et du bébé, qui ont des intérêts communs ! La maman tient à ce que son bébé soit en meilleure santé possible (par amour, bien sûr, mais aussi de manière plus primaire pour assurer la survie de l’espèce), mais l’enfant a aussi besoin que son hôte (sa mère) puisse subvenir à ses besoins pendant la gestation et durant sa croissance et son développement. C’est la raison pour laquelle ils sont en contact continu grâce au placenta, qui est le point de passage (ou le point de fuite) des cellules foetales vers les tissus de sa mère.
Qu’en pensez-vous ? Est-ce cette approche un peu plus scientifique de ce qu’on appelle parfois le « transgénérationnel » vous parle ? Dites-nous tout en commentaire !
Par ailleurs, si vous êtes enceinte et souhaitez être accompagnée sur les 3 premiers de votre grossesse (qu’on vit souvent un peu dans son coin avant de l’annoncer, mais qui peut être assez stressante), le Mama Club est là pour vous 🙂
Les sources complémentaires