Les idées clés
🎧🎞 Si vous souhaitez avoir une version audio de cet article ainsi qu’un éclairage médical (précieux !) à ce sujet, voici notre épisode de podcast sur les règles sous pilule avec le Dr Martin Winckler, qui vous explique tout ça très bien ! 🙂
Lorsqu’on prend une contraception hormonale (comme les différentes pilules, un patch ou un implant, par exemple), les règles arrivent en général de façon très prévisible, systématiquement le même jour et parfois même à heure fixe.
La Nature serait-elle si incroyable et millimétrée ? Pas vraiment non…!
En effet, ce qu’on appelle des “règles” sous pilule n’en sont en fait pas du tout, ou en tout cas n’ont rien à voir avec les règles d’un cycle sans hormones de synthèse. Pire, l’unique intérêt de ces saignements réguliers serait… de nous rassurer !
En effet, le mécanisme physiologique derrière ces saignements est tout à fait différent de celui qui provoque les vraies règles. On vous explique tout sur ce « mal » (les règles sous pilule) pas si nécessaire que ça !
L'article, en bref
ToggleC’est quoi, de vraies règles ? Rappel du déroulé d’un cycle menstruel naturel
Avant d’expliquer en quoi un saignement sous pilule n’a rien à voir avec les menstruations dont nous a affublé Dame Nature, revenons rapidement sur le rôle des règles, à l’origine.
Ovulation + pas de fécondation = règles
Chaque cycle menstruel peut être divisé en 4 phases :
Les règles, qui ouvrent un nouveau cycle lorsqu’il n’y a pas eu de fécondation lors du cycle précédent
La phase pré-ovulatoire, au cours de laquelle le corps, sous l’effet des oestrogènes, prépare à la fois un ovule et épaissit la paroi de notre utérus (appelée l’endomètre)
L’ovulation, lors de laquelle l’ovule est libéré
La phase post-ovulatoire, qui se traduit par une hausse de la progestérone qui vient compléter le travail des oestrogènes en vascularisant l’endomètre, en le dotant de nouveaux vaisseaux sanguins qui serviront à nourrir un éventuel embryon. Elle permet également de « maintenir le nid » (la muqueuse utérine). Au bout d’environ 14 jours, deux options s’ouvrent :
Soit il y a eu fécondation, la progestérone et les oestrogènes restent élevés pour que l’embryon puisse aller s’implanter dans le nid.
Soit il n’y a pas eu fécondation, la progestérone chute alors, ce qui entraîne l’évacuation du nid qui n’a plus d’utilité : ce sont les règles.
Autrement dit, les règles interviennent de façon cyclique en réponse à l’ovulation : elles sont le signe qu’un ovocyte a bien été libéré, que votre utérus a bien préparé un nid pour l’accueillir s’il devait rencontrer un spermatozoïde, mais que faute de fécondation, l’endomètre-nid est évacué.
En revanche, s’il y a fécondation, on n’a pas de règles, tout simplement car le nid reste en place pour que le bébé puisse s’y développer, grâce à la progestérone. De plus, toujours grâce à cette précieuse hormone, l’ovulation est bloquée pendant les 9 prochains mois, pour éviter qu’un deuxième bébé ne vienne s’ajouter au premier !
La pilule simule un état de grossesse
C’est en se calquant sur cet état de grossesse qu’a été créée la pilule contraceptive : en faisant croire au corps, grâce à des hormones de synthèse qui simulent les taux élevés de progestérone et d’oestrogènes, qu’une grossesse est en cours, il bloque toute nouvelle ovulation et toute construction d’un nouveau nid. Le cycle est mis en sommeil, en pseudo grossesse prolongée (sauf que pendant la grossesse, ce sont des hormones naturellement produites par notre corps, avec tous les bienfaits qui les accompagnent).
L’endomètre reste fin et non vascularisé, il ne se détache pas en fin de cycle et ne provoque donc pas de saignement. C’est simple, pas d’ovulation = pas de règles et cela vaut aussi bien pendant la grossesse qu’avant la puberté, après la ménopause… ou avec un contraceptif hormonal !
Oui mais alors, d’où vient-elle, cette perte de sang sous pilule ?
Comment fonctionne la pilule contraceptive ?
Petit retour sur le fonctionnement de la pilule contraceptive, en faisant la distinction entre la pilule combinée, mêlant oestrogènes et progestatif de synthèse, et les pilules strictement progestatives 🙂
Elle bloque l’ovulation
La pilule combinée, donc, bloque l’ovulation, on l’a dit : en effet, elle libère dans le sang une petite dose d’oestrogènes et de progestérone de synthèse. Or, la progestérone de synthèse leurre le cerveau, en lui faisant croire qu’une grossesse est lancée, ce qui inhibe la production de FSH, l’hormone qui fait maturer les follicules ovariens et de LH, l’hormone dont le pic déclenche l’ovulation.
Les oestrogènes participent à cet « effort » et viennent aussi épaissir un peu l’endomètre, afin de « garantir » des saignements en fin de plaquette. Comme les oestrogènes naturels, ces versions synthétiques contrecarrent aussi certains effets secondaires des androgènes (hormones mâles) que l’on sécrète aussi naturellement (comme la pilosité excessive ou l’acné).
Toutefois, la pilule combinée est contre-indiquée à certaines femmes (notamment celles qui fument), tout en étant mal supportée par d’autres. Ainsi, elles peuvent avoir recours à une pilule progestative et dans ce cas :
Si la pilule contient du désogestrel, l’ovulation est bloquée (Cérazette, par exemple)
Si elle contient du lévonorgestrel, l’ovulation peut se faire (Microval, par exemple) et la pilule agit plutôt en empêchant la fécondation et la nidation.
Elle modifie l’endomètre et la glaire cervicale
La pilule, qu’elle soit combinée ou non, modifie l’endomètre : en effet, malgré la présence d’oestrogènes de synthèse, l’endomètre est plus fin. Avec une pilule progestative, il ne s’épaissit quasiment pas, ce qui explique que les femmes sous progestatif (que ce soit sous forme de pilule ou de stérilet hormonal) n’ont parfois plus leurs règles ! Cette atrophie de l’endomètre le rend impropre à la nidation, ce qui renforce l’effet contraceptif de la pilule : même si une ovulation pourrait réussir et que l’ovule pourrait être fécondé, l’embryon aura ensuite du mal à s’accrocher sur la paroi utérine.
La pilule vient également épaissir la glaire cervicale, ce qui entrave les chances de fécondation, puisqu’elle bloque le passage des spermatozoïdes dans le col de l’utérus. N’hésitez pas à lire notre article sur la glaire cervicale sous pilule pour aller plus loin 😉
Les règles sous pilule sont une hémorragie de privation
Vous l’aurez compris, le fonctionnement hormonal féminin est très différent lorsque l’on prend une contraception hormonale ! C’est ce qui explique que les règles sous pilule correspondent à un saignement dit “de privation”, le principe de la pilule étant d’apporter des hormones de synthèse les ¾ du mois, puis de les faire chuter brutalement le dernier ¼, pour provoquer un saignement. Elle crée un faux cycle de 28 jours, avec 21 jours de comprimés dosés et 7 jours de placebo (ou d’arrêt, selon les méthodes).
C’est pendant la semaine de privation hormonale que l’utérus réagit : du fait de cette baisse soudaine, une hémorragie de privation est provoquée, car la progestérone chute et l’endomètre peut se détacher. Les règles sont généralement moins abondantes car, on l’a vu, l’endomètre est plus fin, voire atrophié par la pilule.
Mais il faut savoir que ce principe de semaine de privation n’existait pas à l’origine : en effet, les premières pilules fonctionnaient en continu et, en conséquence, ne provoquaient aucun saignement.
Autrement dit, les femmes ne devraient plus avoir de règles sous pilule. Mais alors, pourquoi avoir créé une telle contrainte de façon factice ?
La vraie raison d’être des règles sous pilule
Les règles sous pilule n’ont aucune utilité médicale
S’il n’y a ni ovulation ni croissance de l’endomètre, l’utérus a-t’il besoin d’éliminer une quelconque couche ? Absolument pas !
Il n’y a aucune raison médicale ou scientifique à ces saignements, leur seul intérêt est de donner à la femme l’assurance de ne pas être enceinte (or, l’arrivée de ces fausses règles n’est pas un signe à 100% d’absence de grossesse, comme c’est le cas sans contraception), et l’impression d’être toujours une femme pouvant, de façon réversible, redevenir fertile (c’est vrai, mais pas besoin de règles artificielles pour cela).
Certaines femmes font d’ailleurs le choix de prendre la pilule en continu, pour ne plus avoir de règles ! Et bien que cela puisse faire peur, il n’y a pas de contre-indication médicale à cela. Les risques de prendre la pilule en continu sont les mêmes que ceux de la pilule prise en respectant la semaine de pause.
Les règles sous pilule jouent-elles quand même un rôle pour nettoyer notre corps ?
C’est un croyance très répandue, chez au moins 40% des femmes : les règles permettraient de nous purifier. C’est d’ailleurs cette certitude qui freine beaucoup de femmes à prendre leur pilule en continu et les conduit à réserver ce “détournement” à des occasions spéciales, persuadées qu’elles doivent laisser leur corps se laver régulièrement en éliminant du sang.
Or même au naturel, les règles n’ont aucun rôle purificateur, elles ne sont que la conséquence de l’absence de fécondation 14 jours plus tôt.
C’est tout, rien n’est sale, rien n’est impur, rien n’a besoin d’être nettoyé ! Pas plus avec que sans pilule 🙂
Pourquoi avoir créé de telles règles artificielles ?
Pour comprendre la raison de ces “fausses règles”, il faut remonter aux années 50, lorsque la pilule a été lancée. Ses créateurs, Gregory Pincus et John Rock, ont préféré (on cite) “mimer le cycle menstruel pour optimiser l’acceptabilité des femmes” et “paraître plus naturel”, mais aussi pour “ne pas se mettre à dos l’Eglise” (on a d’ailleurs pu parler de “règles du Pape” !).
Autrement dit, la seule raison d’être de ces pseudo règles était de favoriser l’acceptation d’une telle contraception alors révolutionnaire, les règles étant symboliquement associées à la féminité et à la fertilité (breaking news : c’est vrai !!).
Il a alors été décidé de rythmer artificiellement le cycle, en créant des fausses règles imitant les vraies (avec les mêmes désagréments, hélas).
Du coup, on pourrait se passer des règles avec la pilule ?
Cela nous est arrivé à toutes ou presque : lorsqu’on part en vacances ou qu’on a un “date” très important, on enchaîne deux plaquettes de pilule en continu pour ne pas avoir nos règles pendant un cycle.
Les médecins utilisent aussi cette technique dite de l’aménorrhée thérapeutique pour soulager des femmes ayant des règles particulièrement douloureuses, en cas d’endométriose par exemple ou de syndrome prémenstruel très marqué.
Mais ce n’est pas qu’un “bidouillage”, et il existe d’ailleurs désormais des contraceptifs en continu (pilule micro progestative, pilule combinée en continu, implant ou certains stérilets au levonorgestrel) avec lesquels les règles sont totalement supprimées.
Pas de semaine de privation, donc pas de saignement de privation (il peut en revanche y avoir quelques « spottings » de temps en temps, en réaction aux hormones).
D’ailleurs, cela a été officiellement rappelé par le Collège royal des obstétriciens et gynécologues anglais (le FSRH) qui, dans ses lignes directrices pour 2019, a rappelé avec insistance que sauter la semaine de placebo d’une pilule contraceptive ne comporte aucun risque médical, que les saignements sous pilule ne sont pas des menstruations physiologiques et qu’ils n’ont aucun avantage pour la santé.
Il rappelle aussi que ces règles de privation présentent des inconvénients, notamment des saignements douloureux ou abondants, des maux de tête ou des changements d’humeur, mais aussi un risque accru de grossesse non désirée du fait du risque d’oubli au moment de la reprise de la plaquette.
En gros, beaucoup de galères et aucun bénéfice (contrairement aux règles d’un cycle au naturel qui, lui, a de réels effets positifs sur notre santé, grâce à nos vraies hormones féminines).
Les saignements normaux et anormaux sous pilule
Les saignements normaux
Sous pilule, on peut donc observer une hémorragie de privation qui revient de manière régulière, tous les 28 jours environ. Ces saignements sont généralement rouges et moins abondants que lors d’un cycle naturel.
Si l’ovulation n’est pas bloquée, on peut éventuellement observer un spotting d’ovulation, mais c’est très rare.
Lorsque l’on prend la pilule en continu, on peut avoir quelques spottings : si cela vous arrive, vous pouvez respecter la semaine de pause lors de la prochaine transition d’une plaquette à l’autre.
Les saignements anormaux
Sous pilule, les saignements qui peuvent questionner sont les suivants :
Des saignements continus, même plusieurs jours après la reprise des comprimés : il est possible que cette contraception ne vous convienne pas, ou que le dosage hormonal ne soit pas bon.
Des saignements trop douloureux.
Des saignements qui s’accompagnent de fièvre, d’un sentiment de malaise : une infection pourrait être en cours.
Des saignements absents alors que vous prenez une pilule combinée, avec des oestrogènes et de la progestérone : dans ces cas-là, il existe une petite possibilité que vous soyez enceinte, surtout si vous avez oublié un ou plusieurs comprimés, ou si vous avez été prise de diarrhée et de vomissements au cours du dernier cycle. En effet, la pilule présente un taux d’efficacité de 93% en pratique, du fait, notamment, des oublis de prise et de l’élimination de la pilule à cause d’une gastro-entérite ou d’une infection intestinale, par exemple. Dans ce cas, n’hésitez pas à faire un test de grossesse.
Si vous vous trouvez dans l’un de ces cas de figure, n’hésitez pas à vous rapprocher de votre gynécologue ou de votre sage-femme, qui pourra creuser avec vous et écarter tout souci de santé 🙂
Gardez également en tête que vos saignements peuvent être différents ou irréguliers pendant 2-3 mois après la première prise de pilule, ou si vous changez de pilule, par exemple, le temps que votre corps s’ajuste aux hormones. Mais si les symptômes persistent, on vous recommande de consulter !
Comment sont les règles après l’arrêt de la pilule contraceptive ?
Si vous décidez d’arrêter la pilule contraceptive pour que votre cycle menstruel se déroule naturellement, vos règles (qui seront pour le coup de vraies règles) pourront être légèrement différentes.
Elles peuvent tout d’abord être irrégulières au début : en effet, le cerveau et les ovaires vont avoir besoin d’un peu de temps pour rétablir le dialogue entre eux, et que leurs échanges soient fluides. En conséquence, l’ovulation peut avoir lieu de manière assez chaotique et donc, les règles seront, elles aussi moins prévisibles. Néanmoins, rassurez-vous : cette situation est généralement transitoire et si vous souhaitez mieux anticiper votre ovulation et vos règles, l’observation de votre cycle menstruel et la symptothermie peuvent vous aider 🙂
Les règles peuvent aussi être absentes, le temps, là encore, que le cycle menstruel redémarre correctement. Si vous avez un doute, n’hésitez pas à faire un test de grossesse !
Vos saignements seront logiquement, plus abondants que sous pilule, car l’endomètre sera plus épais (merci les oestrogènes) et plus vascularisé (merci la progestérone !).
Si vos règles sont plus douloureuses, n’hésitez pas à consulter, mais aussi à creuser du côté de votre hygiène de vie pour apaiser votre cycle menstruel. Si vous le souhaitez, nous avons créé le Moody Club, dont l’objectif est justement de vous aider à comprendre vos hormones et les réajuster si besoin 🙂
Questions fréquentes
Pourquoi ai-je mes règles avant la fin de ma plaquette de pilule ?
Il existe plusieurs raisons pour lesquelles vous pourriez avoir des saignements un peu en avance, avant la fin de votre plaquette de pilule contraceptive : un oubli ou un retard de pilule, une pilule trop faiblement dosée, ou encore la prise d’un traitement médicamenteux pouvant altérer le fonctionnement de la pilule.
Il est également possible que ce saignement précoce vienne d’un changement de contraception ou de pilule 🙂
Que faire en cas de douleurs de règles sous pilule ?
Si vous avez vraiment mal avant ou pendant vos règles alors que vous êtes sous contraception hormonale, n’hésitez pas à en parler à votre médecin ! En effet, il n’est pas normal de ressentir des douleurs prémenstruelles ou menstruelles qui nous gâchent la vie, que l’on soit sous pilule ou non.
D’ailleurs, la pilule est très souvent prescrite aux femmes souffrant de syndrome prémenstruel, mais il n’est pas rare… d’avoir un SPM sous pilule :s
La durée des règles sous pilule est-elle différente ?
Oui, les saignements sous pilule peuvent être plus courts, même si cela peut varier d’une femme à l’autre.
Mes saignements sous pilule peuvent-ils être différents de mes règles « normales » ?
Oui, ils sont généralement moins abondants ! Même si, une nouvelle fois, nous sommes toutes uniques 😉 Ils peuvent également être plus irréguliers, surtout si vous venez de commencer la prise de pilule, ou de changer de pilule.
Vous l’avez compris, l’idée dans cet article n’est absolument pas de dire qu’il ne faut pas prendre la pilule ou qu’elle est néfaste. Juste d’expliquer exactement comment elle fonctionne (blocage du cycle naturel grâce à des hormones de synthèse), et en quoi les saignements qu’elle provoque ne doivent absolument pas être confondus avec des règles.
Une femme sous contraceptif hormonal n’a plus de cycle au sens naturel du terme, puisqu’elle n’ovule plus et qu’elle n’a plus de règles. Son cycle est en sommeil.
Vous pensiez qu’avoir vos règles sous pilule était un mal nécessaire ? Et bien non seulement elles sont complètement simulées, mais en plus, elles n’ont aucune utilité et pourraient même être supprimées en prenant sa pilule en continu.
Le fin mot de l’histoire : chaque femme est LIBRE ! Libre d’avoir des règles artificielles, libre de ne plus avoir de règles du tout, mais aussi libre d’avoir de vraies règles, en adoptant une approche naturelle de son cycle et en étant à l’écoute de dans sa féminité et sa santé.
Vous connaissiez ces subtilités autour des règles sous pilule ou autre contraception hormonale ? Ou au contraire vous les avez découvertes dans cet article ? Venez nous partager vos impressions en commentaire !
Les sources complémentaires