Les idées clés
Certaines grossesses ont fait la une de la presse, et pour cause : la maman a appris qu’elle était enceinte alors qu’une première grossesse était déjà en cours ! Ce phénomène, extrêmement rare, s’appelle la superfétation (on lui donne aussi le nom de grossesse superfétatoire) et il interroge beaucoup les spécialistes : comment une femme peut-elle tomber enceinte alors qu’elle l’est déjà ?
En réalité, la superfétation fait couler beaucoup d’encre alors qu’on a recensé seulement une dizaine de cas de grossesses superfétatoires, dans toute l’histoire et dans le monde entier : tant et si bien que ce « miracle » de la biologie semble relever purement et simplement de la science-fiction !
En effet, lorsqu’une grossesse est lancée, le corps empêche une seconde fécondation et donc, une seconde conception : un embryon n’a donc aucun moyen d’être créé et de s’accrocher dans l’utérus !
Dans ce qui suit, on va vous expliquer clairement comment le corps se transforme en début de grossesse et réduit drastiquement la possibilité de mener deux grossesses aux termes différents 🙂 On va aussi parler du mythe de la double ovulation (un mythe qui a la vie dure !) et ce qui peut, éventuellement, expliquer les très rares cas de superfétation dans l’histoire, et enfin quelles sont les potentielles complications d’une grossesse superfétatoire 🙂
L'article, en bref
ToggleQu’est-ce que la superfétation ?
La superfétation (ou « superfœtation ») désigne le fait qu’un embryon s’implante dans l’utérus, alors qu’une grossesse est déjà en cours. Les deux embryons sont donc formés lors de différents cycles menstruels, et on deux termes différents.
Si le terme médical existe bien, ce phénomène est quant à lui extrêmement rare et les médecins eux-mêmes ne sont pas tout à fait d’accord pour dire qu’il est possible d’être enceinte de deux embryons en même temps.
La superfétation existe en revanche bel et bien chez les animaux : certains mammifères comme la femelle du lièvre et la femelle du blaireau, ainsi que certains poissons par exemple, peuvent en effet accueillir un deuxième embryon alors qu’une première grossesse est lancée. Cette gestation qui en chevauche une autre est même un mécanisme de défense et de survie de l’espèce.
En revanche, seulement une dizaine de cas ont été répertoriés chez l’humain dans le monde entier 🙂 Et pour cause !
Rappel sur le déroulé du cycle menstruel classique et l’ovulation
Pour mieux comprendre pourquoi le phénomène de superfétation est très rare (voire tout simplement impossible) chez la femme, voici quelques explications sur la façon dont le cycle menstruel se déroule.
Il se scinde en deux grandes phases :
La phase pré-ovulatoire, allant des règles à ovulation : en début de cycle, le cerveau sécrète de la FSH, qui permet aux follicules ovariens (contenant les ovules) de se développer. Ce faisant, ils produisent des oestrogènes. À un moment, l’un d’eux prend la tête de la course, grossit beaucoup plus que les autres et sécrète beaucoup d’oestrogènes : cette production massive d’oestrogènes engendre une sécrétion également massive de LH, l’hormone envoyée par le cerveau pour déclencher l’ovulation.
La phase post-ovulatoire, allant de l’ovulation aux règles : une fois l’ovule expulsé dans la trompe utérine dans l’attente de son éventuelle fécondation par un spermatozoïde, son ancienne enveloppe, devient le corps jaune, qui sécrète de la progestérone. La progestérone est la « gardienne du temple » et elle prépare le corps à la grossesse. Parmi ses différentes missions, l’une d’elle est claire : empêcher toute nouvelle ovulation ! Sa simple présence bloque la production de LH et de FSH.
C’est la raison pour laquelle il ne peut pas, physiologiquement, y avoir deux ovulations par cycle 🙂
Si aucune grossesse n’est lancée, le corps jaune meurt au bout de 16 jours maximum et la progestérone chute, ce qui déclenche les règles et le début d’un nouveau cycle. Le cerveau n’étant plus bloqué par la progestérone, il peut, en effet, à nouveau stimuler les ovaires pour relancer une ovulation. Mais tant que la progestérone est présente, elle le censure !
Par ailleurs, la femme a une fenêtre de fertilité restreinte sur le cycle : elle est fertile pendant l’ovulation et 24 heures après (ce qui correspond à la durée de vie de l’ovule) et environ 5 jours avant, grâce à la glaire cervicale qui garde les spermatozoïdes en vie. En dehors de cette fenêtre fertile, la femme ne peut pas concevoir, jusqu’au prochain cycle, qui se termine donc avec la chute de la progestérone et l’arrivée des règles.
Que se passe-t-il, hormonalement parlant, en cas de grossesse ?
Dans le cas où la femme tombe enceinte, le scénario est tout à fait différent !
L’embryon vient s’accrocher à la paroi de l’utérus quelques jours après la fécondation, et son trophoblaste (l’équivalent du placenta) produit une hormone bien spécifique, la bêta hCG : cette dernière ordonne au corps jaune de rester en vie pour continuer à sécréter de la progestérone. Progestérone qui, donc, commande au cerveau de ne PAS lancer une ovulation !
Le placenta va ensuite prendre le relais à partir du deuxième trimestre de grossesse et sécréter, lui aussi, de la progestérone : le mécanisme de l’ovulation est donc bel et bien bloqué pendant toute la grossesse, puisque la progestérone reste dans la place !
En d’autres termes, le système hormonal féminin empêche la femme d’ovuler à nouveau et d’accueillir un nouvel embryon alors qu’elle est déjà enceinte.
L’utérus, lui aussi se transforme en cas de grossesse… et empêche le phénomène de superfétation
En cas de grossesse, la muqueuse utérine se transforme elle aussi ! On parle de décidualisation de l’endomètre, empêchant normalement l’implantation d’un deuxième embryon.
La décidualisation de l’endomètre est un processus crucial dans la préparation de l’utérus pour l’implantation de l’embryon. Chez les humains, ce processus se produit spontanément, c’est-à-dire qu’il commence dès l’ovulation, indépendamment de la présence d’un embryon.
Hors grossesse, la muqueuse utérine ainsi préparée (toujours grâce à la progestérone) finit par se détacher si aucun embryon ne s’accroche, puisque la sécrétion de progestérone finit par chuter. On a alors nos règles.
Or, une fois la grossesse lancée, il n’est plus possible pour un second embryon de s’implanter ! En effet, la décidualisation entraîne une différenciation avancée de l’endomètre, le rendant hautement spécialisé pour accueillir un embryon. Une fois qu’un embryon s’implante, l’endomètre devient trop différencié pour permettre l’implantation d’un autre embryon sans une régression significative de sa structure. Cette régression nécessite la dégradation de la matrice extra-cellulaire par des enzymes spécifiques, ce qui n’est pas possible sans perturber l’implantation en cours.
Ca semble compliqué tous ces termes, mais ce que ça signifie, c’est que la grossesse rend l’endomètre impropre à la nidation d’un nouvel embryon !
De plus, l’implantation d’un embryon modifie également la réponse immunitaire de l’utérus. Le système immunitaire de la mère doit tolérer l’embryon implanté, et ce processus de tolérance immunitaire est spécifique à l’embryon en place. Un deuxième embryon pourrait être perçu comme un corps étranger, déclenchant une réponse immunitaire qui empêcherait son implantation.
On peut alors se demander ce qu’il se passe en cas de grossesse gémellaire de faux jumeaux, lorsque deux bébés réussissent pourtant à s’implanter, avec deux ovules fécondés différents ? Et bien en fait, ce processus de décidualisation offre une petite marge de manoeuvre : l’endomètre est réceptif à l’implantation embryonnaire seulement pendant une courte période appelée « fenêtre d’implantation » ! Une fois cette fenêtre passée, l’endomètre perd sa capacité à accueillir un nouvel embryon.
L’implantation d’un embryon déclenche des changements hormonaux et structuraux dans l’endomètre qui ferment cette fenêtre, empêchant ainsi l’implantation d’un deuxième embryon.
La double ovulation, ce mythe qui a la vie dure !
On entend aussi parfois parler de double ovulation, le fait d’ovuler deux fois dans un même cycle : mais il s’agit, en réalité, du même phénomène ovulatoire !
En effet, dans le cas de la double ovulation, chacun des ovaires (droit et gauche), voire le même ovaire s’il a réussi à amener 2 follicules à maturité, expulse un ovule dans le même délai de 24h. Si les deux sont fécondés, on parle de faux jumeaux, qui viendront se nicher dans l’utérus ; les vrais jumeaux sont quant à eux le fruit d’un seul ovule fécondé qui se scinde en deux en début de grossesse.
Disons donc les choses clairement : ovuler deux fois dans un même cycle à plusieurs jours d’écart est physiologiquement impossible. Il ne peut pas y avoir deux ovulations et a fortiori deux fécondations à plusieurs jours d’écart 🙂
Comment expliquer les (rares) cas de superfétation ?
À ce stade, vous vous demandez donc pourquoi il arrive qu’une femme puisse tomber enceinte alors qu’elle l’est déjà ? Bien qu’encore une fois, les cas de superfétation font clairement débat dans la communauté scientifique, voici quelques pistes qui pourraient expliquer ce phénomène.
Une mutation génétique
Chez certaines femmes, une mutation génétique très rare pourrait conduire la beta hCG, l’hormone de la grossesse, à se comporter comme la LH, l’hormone luténéisante, dont le pic en milieu de cycle déclenche l’ovulation. Ce pic pourrait alors pemettre une seconde ovulation et une seconde implantation.
Un parcours PMA
Il arrive aussi, en parcours PMA, qu’on procède à un transfert d’embryon suite à une fécondation in vitro, alors qu’une grossesse naturelle est déjà lancée. Deux embryons peuvent aussi être implantés à quelques jours d’écart et réussir tous les deux à s’accrocher à la paroi utérine. Cela dit, on parle ici de seulement quelques jours d’écart de fécondation et de conception 😉
Une anomalie utérine
Certaines femmes ont des utérus qui sortent un peu de la norme, ce qui pourrait expliquer la possibilité que deux embryons puissent s’implanter : elles peuvent avoir un utérus bicorne (avec une cloison intérieure séparant l’utérus en deux) ou, dans certains cas plus rares, un utérus didelphe (deux cavités utérines, avec deux cols). Cela dit, il est plus que probable que la double grossesse ait lieu à la suite de la même ovulation.
Une grossesse intra-utérine + une grossesse extra-utérine
Un cas immensément rare a également fait la une de la presse : une jeune femme a découvert qu’elle était enceinte avec un bébé dans son utérus alors qu’un autre, plus âgé, était logé dans l’une de ses trompes ! Elle est donc un exemple du cumul superfétation + grossesse extra-utérine. Cette GEU pourrait expliquer qu’un autre embryon ait pu s’implanter dans l’utérus, même, si, normalement, la sécrétion de beta hCG, aurait du, encore une fois, empêcher toute nouvelle ovulation.
Grossesse superfétatoire : peut-on parler de jumeaux ?
Non, car dans le cas de la superfétation, il s’agit réellement de deux embryons ayant des âges différents, avec plusieurs semaines d’écart.
Les jumeaux, qu’il s’agissent de vrais ou de faux jumeaux, ont le même âge, car ils sont issus de la même ovulation et ont la même date de conception 🙂
Comment repérer une grossesse superfétatoire ?
Généralement, la superfétation est découverte lors d’une échographie, au cours du premier trimestre, qui révèle deux embryons de taille différente.
Attention toutefois ! La différence de taille entre les deux fœtus peut aussi s’expliquer par une grossesse gémellaire, dans le cas où l’un des deux bébés présente un retard de croissance (cela peut notamment arriver s’il n’y a qu’un seul placenta pour les deux fœtus).
Il arrive aussi que la maman ressente des douleurs abdominales importantes, ce qui va conduire à un examen chez le gynécologue, qui va procéder à une échographie montrant deux bébés : la grossesse étant, dans l’immense majorité des cas, une grossesse gémellaire 😉
Quels sont les risques pour la maman et les bébés en cas de superfétation ? Comment se passe l’accouchement ?
Une grossesse superfétatoire ne présente pas plus de risque qu’une grossesse gémellaire 🙂 Elle sera en revanche suivie avec attention par l’équipe médicale (gynécologue et sage-femme), afin de vérifier que le développement du bébé le plus jeune se déroule bien.
Généralement, l’accouchement du premier déclenche la sortie du plus jeune, dont souvent les écarts ne sont pas assez grands pour le mettre en danger. Il pourra néanmoins avoir besoin de soins que son frère ou sa soeur plus âgé(e) à la naissance.
Encore une fois, ceci est aussi le cas de grossesse gémellaire, durant laquelle le bébé le plus petit nécessite plus d’attention 😉
Quelle est la différence entre superfétation et superfécondation ?
Un autre phénomène fait aussi beaucoup parler de lui : la superfécondation ! La superfécondation se produit lorsque il y a deux fécondations, avec deux ovules qui sont fécondés à quelques heures d’intervalle, suite à des rapports sexuels avec deux pères différents.
Les deux bébés seront donc des faux jumeaux (puisque les deux ovules sont issus de la même ovulation), ayant la même mère, mais pas le même père !
Là encore, le phénomène de la superfécondation est un cas très rare, car les probabilités sont tout de même minces… mais en théorie, c’est tout à fait possible !
Pour résumer – Questions fréquentes
Est-il possible de tomber enceinte quand on est enceinte ?
Normalement et dans l’immense majorité des cas, non. Le processus de l’ovulation est bloqué en cas de grossesse du fait de la présence de progestérone dans le corps de la femme enceinte. De plus, la muqueuse utérine se transforme après l’ovulation, permettant l’accroche d’un embryon !
Il est donc impossible de tomber enceinte alors qu’on l’est déjà, car tout est fait, au niveau hormonal et utérin, pour nous empêcher d’accueillir un autre enfant en cours de grossesse.
Les rares cas de superfétation chez certaines femmes ne doivent pas faire oublier l’existence de cette réalité physiologique 😉
Est-ce qu’une femme peut tomber enceinte de deux hommes en même temps ?
Si une femme avait un rapport avec deux hommes différents durant la même ovulation, durant laquelle deux ovules sont expulsés, en théorie, oui. On parle même de superfécondation ! Dans ce cas, les deux enfants seront des faux jumeaux et la maman mènera deux grossesses simultanées. Mais cela reste également très très rare !
Vous savez maintenant tout de la superfétation ! On espère qu’il est désormais plus clair pour vous que ce phénomène ne relève pas de la biologie « normale » de la femme et qu’il est, dans la très grande majorité des cas, physiologiquement impossible de tomber enceinte pendant une autre grossesse est en cours.
Que pensez-vous de tout cela, de cette « étrangeté » qu’est la superfétation ? Pensiez-vous qu’il était possible d’avoir deux bébés dans son utérus, deux fœtus d’âge complètement différents, avec des dates de conception éloignées ? Dites-nous tout en commentaires 🙂